Et si on pouvait célébrer chacune des annonces de grossesse comme on le fait pour une promotion… 

Témoignages de 20 mamans ou futures mamans sur leurs expériences de maternité  


Vingt femmes. C’est le nombre de personnes avec qui on a discuté pour monter ce dossier sur la maternité. Vingt histoires et plus de trente grossesses plus tard, force est d’admettre qu’on est loin de toujours accueillir la parentalité dans la joie et la célébration quand vient le temps de penser au milieu du travail. Pourtant, les femmes accouchent depuis toujours. Avec le temps, on aurait pu s’améliorer, créer des outils, des systèmes, des processus afin que tous les employés, hommes et femmes, puissent se sentir bien au quotidien, peu importe ce qu’ils vivent. 

On ne tire pas que du mauvais de ces témoignages! N’ayez crainte. On vous propose d’ailleurs des bons coups, des inspirations et une panoplie de conseils pour que vous puissiez améliorer l’expérience employé liée à la parentalité dans votre entreprise. 

Vingt rencontres en toute simplicité. Vingt belles âmes qui ont partagé avec autant de vulnérabilité que de désir de changement. 

Merci à vous de me laisser porter votre voix. De dénoncer. De mettre en lumière. De parler de certaines choses qu’on garde souvent pour soi, par peur, par manque de confiance, par crainte des répercussions.

La responsabilité partagée 

Plusieurs moments importants peuvent être appuyés et encadrés par l’employeur. C’est d’ailleurs ce qui est planifié dans un parcours employé. Par événement de vie, on signifie un deuil, une maladie, un accompagnement de proche aidant, une promotion, un retour aux études, une dépression, l’achat d’une nouvelle maison, l’arrivée d’un nouvel enfant…  

Le congé de maternité c’est la responsabilité de l’employé et de l’employeur. C’est dit. C’est en discutant avec l’experte en la matière, Amélie Mongrain, que l’on s’est arrêté sur ce constat. L’employé y est pour beaucoup dans sa destinée. Ça lui permet d’ailleurs de faire des choix plus éclairés quant à son avenir professionnel. Quant à l’employeur, il devrait servir de support dans cette grande transition, dans cette grande période de changement.

Humaniser le processus 

Une annonce de grossesse est une célébration. En aucun cas il n’est acceptable de remettre le tout en question. Dites-vous que ce n’est pas un au revoir, c’est une employée qui reviendra auprès de votre organisation si vous êtes bienveillants à travers ce grand changement. La plupart des femmes qui ont témoigné ont fait l’annonce à leur gestionnaire avant la marque des trois mois. C’est plus facile de gérer l’horaire de rendez-vous médicaux ainsi et d’expliquer certains symptômes désagréables qui nous empêchent d’être à notre meilleur. Les femmes mentionnent avoir moins de difficultés à annoncer leur grossesse dans des milieux de travail féminins. La compréhension est plus grande. Si vous avez des employées entre 20 et 45 ans, attendez-vous à de probables annonces de grossesse. C’est la réalité. 

J’avais peur d’annoncer ma grossesse et de ne plus être vue comme un atout pour l’entreprise.
— Marielle
Je me suis questionnée à savoir si j’annonçais ma grossesse parce que ça faisait moins de trois mois que j’étais en poste. Le climat était tellement difficile.
— Julie
Je travaillais dans un milieu masculin où on voulait à tout prix garder les femmes en poste. Par contre, on m’a utilisé au maximum de mes compétences et le plus longtemps possible avant mon départ. J’ai dû avoir affaire à des recours légaux pour tomber en congé. Les femmes qui travaillaient au sein de l’organisation savaient qu’elles devaient taire leur grossesse le plus longtemps possible.
— Marie
J’ai passé une entrevue pour un emploi en début de grossesse. J’ai choisi de l’annoncer à la toute fin de la rencontre, par souci de transparence puisque l’employeur fonctionne par mandats. Par chance, on m’engageait pour le long terme et ça n’a pas été un problème.
— Valerie
J’ai dû changer d’emploi alors que j’étais enceinte de 4 mois. Pour la plupart des employeurs ça ne semblait pas poser problème, par contre certains ne m’ont jamais donné de nouvelles.
— Marie
Ça se fait de changer de travail quand tu es enceinte, mais pas quand tu es cadre. J’ai dû renoncer à de grands postes. Si j’avais été un homme, je n’aurais jamais eu à parler de mon désir d’avoir des enfants, ça ne m’aurait jamais nui. C’est difficile d’être une femme ambitieuse.
— Caroline
J’ai été rétrogradé quand j’ai annoncé mon processus de fertilité à mon nouveau gestionnaire. Tout ça parce que j’avais les hormones dans le tapis à cause du processus. J’ai perdu plus de 20K$ en salaire annuel parce que, selon lui, je n’étais plus apte à faire mon travail.
— Marjorie
Mon copain a également senti de la culpabilité face à l’annonce d’un congé dans un milieu très masculin. Il était en poste depuis 1 an et a senti le besoin de se justifier. Finalement, ç’a été super bien reçu.
— Valerie

Si vous n’êtes jamais passé par là en tant qu’employeur. C’est correct de se tromper. Soyez simplement transparent avec l’employée qui annonce sa grossesse. Créez les outils au fur et à mesure. Essayez quelque chose, vous serez davantage prêt pour la deuxième annonce qui suivra. 

Responsabilités de l’employé : 

  • Communiquer la grande annonce dès que vous êtes à l’aise afin de préparer le terrain, mais surtout de se sentir à l’aise au travail si on a des symptômes au quotidien par exemple, ou pour assister à ses rendez-vous médicaux sans se justifier. 


Ce que l’organisation peut faire pour aider 

  • Célébrer l’annonce de congé au lieu d’y voir une charge supplémentaire. Créer un véritable rituel pour les bonnes nouvelles dans le milieu de travail. 

  • Offrir une flexibilité et une ouverture quant aux rendez-vous médicaux. En moyenne, une future maman aura un suivi médical par mois en plus de devoir suivre des échographies de croissance et plusieurs prises de sang. C’est rarement à des heures choisies par la future maman. Être flexible allège ce casse-tête d’organisation. 

  • Comprendre que l’employée vit beaucoup de changements et tenter de lui faire des annonces en douceur ou en circonstance de cause. 

  • Assurer une transition, un remplacement de congé de maternité, ça se prépare. 

  • Offrir un congé de procréation assistée permettrait de souffler aux mamans qui reçoivent de nombreux traitements en fertilité. 

  • Offrir des programmes de soutien partagé à travers vos programmes d’assurance qui permettent à vos employées de soumettre des demandes pour des projets de vie non couverts par les assurances, tels les programmes de fertilité.

Limiter les zones grises 

Quand on parle de charge mentale, c’est impossible de ne pas parler de parité. C’est surtout à cet égard qu’on ressent que la femme est négligée, qu’elle en porte lourd sur ses épaules. 

La maternité engendre son lot de questionnement surtout si on parle d’une première grossesse. La charge financière, les décisions à prendre en lien avec le congé, les documents à remplir, les suivis médicaux, les aliments à ne pas consommer, la gestion du stress et bien plus encore. Ce que l’on note c’est le peu d'assistance en lien avec la parentalité outre ce que l’on apprend à la clinique médicale. En milieu de travail, c’est très rare d’être accompagné sur ce qui à trait au RQAP et aux prestations parentales, d’avoir accès à des ressources facilement pour se sentir bien accompagné, bien entouré. Devoir fouiller pour répondre à ses questions, c’est prenant. 

La charge mentale de la maternité et du bébé à venir s’ajoute à la charge mentale liée au travail et aux autres enfants qui nous attendent peut-être à la maison. Tout ça fait en sorte que la future maman commence à déborder. C’est important de comprendre que maintenant, elle doit s’occuper d’une nouvelle personne. Alléger la charge mentale c’est permettre à votre employée de souffler un peu et de réduire son risque d’erreur ou d’oubli au travail. C’est pourquoi on privilégie un départ progressif et un retour progressif au travail. Parce que ça fait beaucoup d’un seul coup. On souhaite aborder le changement avec douceur. 

J’ai été licenciée une semaine avant mon retour en poste. C’était une période très angoissante. Si ce n’était pas de mon conjoint, je ne sais pas ce que j’aurais fait.
— Coline
On a profité de mon congé pour couper mon poste. J’ai donc dû chercher ailleurs et me réorienter.
— Marjorie
Une fois en poste, j’ai su que mon gestionnaire n’avait pas été mis au courant que j’étais enceinte à l’embauche. Il l’a appris durant mon onboarding.
— Marie
Je recevais beaucoup de mise à jour des projets durant mon congé parental, ça me donnait énormément d’anxiété. Ça ne me donnait pas envie d’y retourner.
— Élodie

Si vous planifiez faire des changements majeurs, ou une réorganisation de votre personnel, gardez en tête les gens en congé de longue durée. À la suite d’un congé de maternité, les mamans ne sont pas éligibles au chômage à cause des prestations de RQAP. Cela équivaut à une période sans solde lors du post-partum, qui se veut une période charnière chez certaines femmes. Si par exemple, tout le monde travaille à distance et que les attentes changent, permettez une transition douce à vos employés qui sont en retour de congé longue durée afin de leur permettre cette adaptation. 

Responsabilités de l’employé : 

Discuter de la présence de votre partenaire en tant que soutien durant la  grossesse comme durant le congé afin de se faire une vraie idée de la responsabilité de chacun. 

  • Déléguer la recherche de garderie à votre conjoint ou l’achat de plusieurs morceaux pour la chambre à coucher. Déléguer le ménage et ce qui vous rend inconfortable avec la bedaine. 

  • Créer un calendrier avec les rendez-vous et tenter d’y aller à deux afin que la charge mentale des prochaines étapes n'appartienne pas qu’à vous. 

  • Choisir la durée de son congé approximatif et réfléchir à son plan de départ. On souhaite être en congé combien de semaines avant l’arrivée du bébé, etc. 

  • Réfléchir à son degré d’implication lors du congé. Est-ce que l’on souhaite que l’entreprise entre en contact avec nous. Si oui, qui et à quelle fréquence. 

  • Réfléchir à son avenir au sein de l’entreprise, à ce que l’on souhaiterait faire à notre retour et le communiquer à son gestionnaire ou son équipe RH. 

Ce que l’organisation peut faire pour aider : 

  • Offrir un top up sur les salaires de vos employés et de leur conjoint parmi vos forfaits d’assurances collectives ou vos avantages sociaux. 

  • Proposer un guide de soutien administratif afin de savoir ce qui doit être fait au niveau de la paie, du RQAP, des assurances, etc. On parle ici d’un one pager simple, mais ô combien pertinent dans de petites entreprises qui n’ont pas de département RH. 

  • Présenter le programme de PAE. Vous ne savez pas comment les parents vivront cette grossesse. 

  • Créer un guide d’outil et de ressources avec les services accessibles dans votre région. (naturopathie, doula, cours prénataux, etc.) 

  • Aider à faire les calculs liés au congé de maternité afin que la future maman puisse se projeter dans cette nouvelle réalité. 

  • Mettre de l’avant les avantages sociaux que vous avez qui sont liés à la parentalité et qui peuvent venir en soutien à votre employé durant cette période de sa vie, mais aussi du futur bébé. 

  • Si vous êtes un milieu syndiqué, assurez-vous que les droits de l’employée sont clairs à cet égard. 

  • Indiquer qui et comment on fera la transition pour la charge de travail à céder. Tâcher de ne pas céder toute la pression de la transition à la personne qui quitte. Prévoir un qui, quoi et un comment. 

  • Impliquer la future maman dans le choix de son remplacement si elle le souhaite. Cela peut aider à la succession. 

  • Si vous pouvez vous le permettre, tentez une transition au retour également afin que le remplaçant puisse bien céder les dossiers. 

  • Demander à l’employé si il ou elle souhaite demeurer en contact avec l’organisation durant son congé afin de rester à l’affût de ce qui se passe ou non. 

  • Se doter de patience et d’empathie face à votre employé. 

  • Si vos employés travaillent à distance, n’oubliez pas que le fait de ne pas voir la progression de grossesse de votre employée fait en sorte qu’elle restera en poste plus longtemps, elle est enceinte au-delà de ce que vous voyez dans votre écran.

  • Certaines femmes prennent très peu de poids lorsqu’elles sont enceintes, n’oubliez toutefois pas qu’elles le sont (tâches ménagères, lever des poids lourds, rester debout longtemps, etc.)  

  • Si votre employée à tendance à vouloir rester à l’affût de tout, retirez-lui ses accès afin qu’elle puisse vivre pleinement son congé, et ce, sans pression.

User de compassion 


En aucun cas il n’est acceptable de faire vivre du mépris ou de la rancune face à une annonce de grossesse. On se rappelle que ce ne sont pas tous les couples qui ont la procréation facile. Pour certains, c’est un long processus qui demande beaucoup de temps, d’investissement, d’émotions. Éviter de passer des commentaires qui pourraient rendre les parents mal à l’aise. 


C’est également une période où la femme se remet en question. Elle diminue sa charge de travail, l’arrête complètement lors du congé tandis que son conjoint grimpe et poursuit son ascension de carrière. Plusieurs femmes ont mentionné trouver cet écart difficile. 

Lorsque j’ai expliqué mon parcours en fertilité à mon nouveau gestionnaire, il m’a dit que d’avoir des enfants ce n’était pas fait pour tout le monde. Que si je devais essayer aussi fort ce n’était peut-être pas fait pour moi.
— Marjorie
J’ai dû me faire mes injections couchées sur le tapis dans le milieu de mon bureau. Par chance, j’avais un bureau fermé.
— Caroline
Je me suis fait “shamer” de ne pas suivre une courbe de retour au travail normale alors que je n’ai eu aucun onboarding de retour et que je travaillais dans un environnement hyper stressant.
— Marie
Je ne suis pas handicapée, je suis enceinte.
— Christine
Je me suis sentie à nouveau pleinement moi-même au travail aux deux ans de mon fils.
— Coline
C’est une maman, le rôle est exigeant alors c’est pour ça qu’elle ne pourra plus travailler sur le projet.
— Parole d'employeur
J’ai fait une erreur au travail en fin de grossesse et j’ai tout de suite reçu un avis disciplinaire au lieu de discuter avec moi des causes derrière l’erreur. Je manquais de concentration au travail et on tentait sans cesse de repousser mon départ.
— Elodie

Le quatrième trimestre, le fameux post-partum. C’est une période dont on parle très peu, mais qui peut se vouloir très difficile physiquement et psychologiquement pour plusieurs femmes. Très peu de ressources existent pour accompagner les femmes dans cette période charnière. C’est à cette étape que les nouveaux parents ressentent toute la pression extérieure, qu’ils se perdent comme personne, qu’ils manquent parfois de sommeil. On ne dit pas que ça revient entièrement aux employeurs de le faire, mais la compassion entre beaucoup en jeu ici. 

Responsabilités de l’employé : 

  • Être attentive à vos besoins, votre réalité et bien nommer les choses afin d’aider votre employeur à alléger votre horaire ou comprendre votre ressenti face au retour. 

  • Se doter de douceur. Vous n’êtes pas comme avant. Vos priorités ont changé. Vous n’avez pas travaillé pendant plusieurs mois, vous devez vous habituer à cette routine. 

  • Demander de l’aide si c’est trop. Utiliser les services de votre PAE, acceptez l’aide de votre entourage si vous le pouvez. 

Ce que l'organisation peut faire pour aider : 

  • Sonder les besoins de l’employée pour comprendre sa réalité et lui permettre le soutien ou l’aménagement dont elle a besoin pour être à l’aise au bureau. 

  • Permettre plus de télétravail. 

  • Permettre une souplesse d’horaire pour les suivis médicaux plus nombreux. 

  • Offrir des avantages sociaux plus vastes qui couvriraient certains frais liés à la fertilité. 

  • Offrir des services en psychologie sans limite d’heure accessible dans votre PAE. 

  • Étendre vos offres d’avantages sociaux afin que les frais de conseillère en lactation fassent partie des items couverts. 

  • Briser l’isolement. Si plusieurs femmes de votre entreprise sont enceintes en même temps, il est possible de les mettre en contact. Sinon, n’oubliez pas que plusieurs nouveaux parents n’ont pas d’entourage proche. Prenez de leurs nouvelles de manière bienveillante durant le congé parental s’ils sont d’accord avec cette démarche. Offrir une trousse avec des groupes Facebook ou des groupes de yoga prénatal ou avec bébé serait une belle piste créative à cet effet. 

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